Le rebozo : de la juste posture de la praticienne

31 mars 2023

Ces dernières années, les propositions autour de l’accompagnement à la naissance se sont multipliées et c’est une bonne nouvelle ! En effet, l’arrivée d’un enfant dans un foyer est souvent synonyme de bouleversements qui, jusqu’alors, étaient souvent vécus dans la solitude.

J’ai observé dans ma pratique un intérêt croissant autour du rebozo, notamment depuis que le sujet a été abordé dans certains médias de grande écoute et sur les réseaux sociaux (il faut dire qu’ils sont jolis, ces châles, et très instagrammables!).

Il me semble donc important de poser quelques bases, qui pourront profiter tant aux femmes qui envisagent de bénéficier d’un soin avec le rebozo, qu’à celles qui souhaitent l’utiliser dans leur pratique professionnelle.

Le rebozo, c’est quoi ?

Au Mexique, le mot rebozo désigne toutes sortes de châles que les femmes peuvent porter et utiliser au quotidien. Les sages-femmes traditionnelles Mexicaines ont pour habitude de pratiquer différents gestes et soins sur la jeune accouchée, à l’aide d’un rebozo spécifique, qui comporte des pans “pleins” et des pans ajourés, conférant au tissu des propriétés particulières, tant de solidité et de résistance que de douceur. C’est ce châle spécifique que nous désignons en France et en Occident lorsque nous parlons de rebozo.

Le rebozo, c’est quoi ?
Photo : Aurélie Romary Photographie

Parmi les soins pratiqués par les sages-femmes mexicaines, on trouve :

  • l’enserrage du bassin seul, pratiqué plusieurs fois au cours de la période du post-partum afin de soutenir le mouvement de fermeture du corps après l’accouchement ;
  • le rituel rebozo, plus complet et revêtant une dimension symbolique importante, qui implique notamment de faire monter le corps en température et de transpirer sous de lourdes couvertures au moment de l’enserrage de l’ensemble du corps.

Au Mexique, ces pratiques (et les nuances qu’elles peuvent recouvrir) sont directement liées au post-partum et font partie intégrantes des savoirs et du travail des sages-femmes. Par ailleurs, le rituel rebozo n’est pas forcément un moment de plaisir et de détente au Mexique, où la montée du corps en température est une composante primordiale du soin, imposant à la femme des sensations qui peuvent être éprouvantes.

Déclinaisons en Occident

En France, nous déclinons ces pratiques de manière un peu différente, notamment en proposant le rituel rebozo comme un rituel de passage qui peut marquer tous les temps importants dans la vie d’une femme (maternité bien-sûr, mais aussi arrêt de grossesse, PMA, contraception définitive, séparation, deuil, retraite, ménopause…). Dans les sociétés occidentales, nous manquons effectivement cruellement de ce fameux “village”, dont nous aurions tous besoin d’être entourés dans les grands moments de changement ; le rituel rebozo est une possibilité offerte à la femme de célébrer et marquer les temps forts de sa vie, entourée d’autres femmes.

Un débat anime actuellement la communauté des praticiennes pour définir ce qui relève ou non de l’appropriation culturelle, puisque ce rituel a été transporté jusqu’en Occident au moment de la colonisation du Mexique. Mon sentiment est que nous pouvons respecter l’origine de ce rituel et rendre hommage à ses racines, tout en le faisant évoluer pour qu’il réponde aux besoins des femmes que nous accompagnons. L’important, me semble-t-il, est d’en comprendre la portée et le sens profonds et de ne pas miser sur la carte du “folklore” pour le vendre.

Le rituel rebozo & resserrage de bassin : deux soins différents

Tel qu’il m’a été transmis par ma collègue Marion Ortega Didier* avec qui nous le pratiquons, le rituel rebozo se compose d’un temps d’accueil (qui permet à la femme de formuler une intention pour le soin) suivi d’un temps de massage à l’huile à 4 mains, puis d’un temps de sudation et enfin de l’enserrage du corps en 7 points (dont le bassin) à l’aide des rebozo.

Il s’agit donc d’un véritable rituel de passage long (3h minimum), dont les bienfaits peuvent se faire sentir tant sur le plan physique qu émotionnel et énergétique.

Le rituel Rebozo

}Photo : Chloé Desmoulins

En France, certaines praticiennes proposent ce rituel en solo : il est effectivement possible d’adapter le soin lorsque l’on n’a pas de binôme avec qui le proposer. Néanmoins, être deux à prendre soin d’une troisième femme confère une dimension et une énergie toutes particulières au rituel et c’est, à mes yeux, l’une des spécificités précieuses de ce soin.

D’autres pratiques se déclinent autour du châle rebozo, qui sont différentes du rituel rebozo complet que je viens de décrire. On parle par exemple beaucoup du resserrage de bassin, qui est parfois assimilé au rituel rebozo alors qu’il n’en est qu’une petite partie.

Un resserrage doux du bassin peut en effet être pratiqué par la sage-femme, la doula ou en auto-serrage, à l’aide d’un châle rebozo ou d’autre tissu, avant le premier lever de la jeune accouchée et tout au long des jours qui suivent l’accouchement, afin d’accompagner le mouvement de retour de l’utérus et du bassin.

Cet enserrage du bassin peut également être couplé à un temps de massage, pour proposer au corps un moment de détente. Ainsi, Céline Voignier*, fondatrice de Tikoala et qui propose également le rituel rebozo avec sa consoeur Sophie Schrammek*, a eu l’idée de proposer un soin qui allie massage et enserrage du bassin, afin de laisser le châle en place pendant 45 minutes. Le soin dure 2h avec un temps d’accueil autour de grossesse, de la naissance de bébé, nécessaire avant le soin.

Aurélie Romary photographie

J’ai également eu la chance de me former auprès d’Anne Belargent* au massage rebozo, un massage habillé du corps, qui allie mouvements, bercements et enserrage à l’aide du châle rebozo. Là encore, un resserrage de bassin peut faire partie de ce massage, tant pour ses bienfaits physiques que émotionnels.

En effet, le bassin est la zone du corps qui nous relie à notre sécurité affective : l’enserrage de cette partie du corps peut donc amener un profond sentiment de contenance et de sécurité. Mais l’enserrage d’autres parties du corps est également très intense : le serrage des épaules peut ramener à la toute petite enfance, le serrage de la tête offre au mental de se déposer et à l’intuition de se déployer, le serrage des pieds facilite l’ancrage…

Le châle rebozo peut également être utilisé pendant la grossesse et l’accouchement, afin de soulager des douleurs, se bercer etc.

Quel est le bon timing ?

Je reçois souvent des demandes de femmes qui me questionnent sur le moment idéal pour vivre un rituel rebozo, avec l’idée sous-jacente que “le plus tôt est le mieux” ou qu’il est “trop tard” puisque le bébé est déjà grand.

J’aimerais apporter 3 éléments de réponses à cette question fréquente :

* D’abord, le rituel rebozo est un rituel de passage qui peut être proposé en dehors de toute maternité ; il n’y a donc pas de date d’expiration !

* Souvent, cette idée vient d’un amalgame entre le rituel rebozo et le resserrage de bassin. Or, comme je l’ai dit plus haut, le resserrage de bassin n’est qu’un temps du rituel rebozo, qui peut revêtir une dimension d’introspection assez importante. Selon le moment où il a lieu et l’énergie dans laquelle la femme se trouve au moment de le recevoir, le rituel prend une couleur unique et fait émerger des sensations différentes. Ainsi il n’y a pas de moment idéal, ni même de bon ou de mauvais moment : l’important est que la femme le reçoive quand ce rituel “l’appelle” et qu’elle sent que c’est juste pour elle.

* Par ailleurs, certains professionnels de santé ont vanté les mérites du resserrage de bassin juste après l’accouchement afin de protéger le périnée. Sans remettre en question les fondements anatomiques de cette recommandation, celle-ci ne tient pas compte de l’aspect psychologique de la question. En effet, recevoir un resserrage de bassin qui peut être perçu ou présenté comme un mouvement de “fermeture” n’est pas anodin pour la femme.

Néanmoins, une femme peut tout à fait sentir rapidement dans son corps le besoin d’un resserrage de bassin (qu’il soit pratiqué seul ou dans un rituel complet), par exemple si elle se sent éparpillée, morcelée, flottante… On peut également imaginer recevoir dans un premier temps un resserrage de bassin peu de temps après la naissance puis un rituel rebozo plus tard, ou bien seulement l’un ou l’autre de ces soins.

Tout est possible et ajustable, dans la mesure où la femme respecte ses envies propres et qu’elle ne réalise aucun soin juste “parce qu’il parait que c’est bien de le faire”, comme poussée par un effet de mode ou par des tiers. L’intention de la femme est une clef du rituel rebozo. Le temps d’accueil et d’écoute a toute son importance.

Il me semble que c’est aussi notre rôle d’accompagnantes à la naissance et praticiennes rebozo, d’être vigilantes sur ce point et d’exercer d’abord dans l’intérêt des femmes que nous accompagnons, même lorsque cela signifie délivrer des informations qui risquent de nous faire “perdre” une cliente potentielle.

De la même manière, il n’y a pas d’objectif à atteindre avec le rituel rebozo : tant du côté de la femme qui est accompagnée que du côté de l’accompagnante. Pour certaines, le rituel sera un grand moment de prise de conscience et d’avancée personnelle. Pour d’autres femmes, il s’agira de la première fois qu’elles se laissent choyer et qu’elles s’abandonnent. Pour d’autres, ce sera “simplement” un temps de pause un peu différent. Et encore tant d’autres manières de recevoir ce soin…

*Marion Didier Ortega, haptonome et doula, formatrice Tikoala et praticienne rebozo.

*Céline Voignier, doula, fondatrice de Tikoala et praticienne rebozo.

Formation.tikoala.fr

Ateliers.tikoala.fr

*Sophie Schrammek, kinésithérapeute, consultante en portage, et en développement neuro-psychomoteur de l’enfant, formatrice Tikoala et praticienne rebozo

*Anne Belargent, doula à Paris et banlieue Ouest, créatrice de Rebozo Therapy

Par Marjorie POTEAUX MARCHAL, Doula à Nancy
www.marjorie-doula.fr

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