A l’écoute des émotions du parent : dépression, burn-out parental, épuisement extrême, perte de soi
13 février 2023Le burn-out parental : on en parle de plus en plus
De plus en plus de femmes que je rencontre en tant que doula ou virtuellement sur les réseaux, osent poser ces mots sur ces passages sombres de leur chemin de mère : le burn-out parental. Souvent, elles en parlent après. Après avoir pris conscience de ce qu’elles vivaient. Après avoir compris sur quoi cet enfer s’était construit. Après avoir eu la force d’en sortir grandie. Grandie mais vulnérable, aussi.
Quels sont les signes du burn-out parental ?
Nous commençons à connaître et à comprendre certains facteurs qui peuvent faire basculer l’expérience parentale :
- isolement des couples,
- naissance non respectée,
- perturbation du lien d’attachement…
La « parentalité parfaite »
L’un des éléments qui se fait de plus en plus entendre, c’est l’injonction ressentie à une “parentalité parfaite”, sur la base de ce que nous savons de mieux en mieux des besoins des bébés et des enfants :
- allaitement non écourté,
- portage
- et plus globalement parentage proximal,
- DME,
- couches lavables,
- refus des violences éducatives ordinaires,
- accompagnement bienveillant des émotions…
Sans remettre en question les bienfaits et la pertinence de cette manière d’approcher le développement de l’enfant, il semble que l’on oublie parfois une partie centrale de l’équation : ceux et celles qui vivent avec l’enfant au quotidien. Ainsi certains parents finissent par faire des choix qui n’en sont pas vraiment.
Une remise en question de l’éducation traditionnelle
Les générations précédentes transmettaient souvent ce qu’elles avaient reçues sans le remettre en question ; cela impliquait des difficultés dont il n’est pas question de discuter ici. Il y a encore une dizaine d’années, une minorité de mères (car c’était encore principalement les femmes!) choisissait pour leurs enfants des voies éducatives dites “alternatives”, en rupture avec l’éducation traditionnelle. Elles le faisaient convaincues par les apports des neurosciences éducatives et affectives, mais également appelées dans leurs tripes par cette invitation à la proximité des cœurs. Car il y a encore dix ans, il fallait que quelque chose soit profondément touché en nous pour remettre en question un héritage éducatif hégémonique et des normes sociétales parfaitement intériorisées.
Grâce à la circulation massive (et parfois hâtive…) de l’information, ce qui était alternatif hier est devenu aujourd’hui la référence en matière de bien-être et de bien-naître. Et c’est une merveilleuse avancée pour nos bébés, tous les enfants et le monde de demain !
Quelles solutions pour être à l’écoute des émotions du parent ?
Mais à chaque lumière, sa part d’ombre.
De nombreux parents ressentent aujourd’hui une injonction à une forme de perfection dans leur parentalité. Ces injonctions peuvent être ressenties dans les discours véhiculés par les professionnels de la périnatalité ou sur les réseaux sociaux, mais elles viennent aussi et surtout de l’intérieur.
- Pouvons-nous accepter de faire d’autres choix que ceux qui sont actuellement plébiscités et étayés par la science ?
- Nous connaissons-nous assez pour sentir nos limites avant de les dépasser ?
- Avons-nous appris à nous accorder assez d’amour et de respect pour mettre notre santé mentale et notre équilibre d’adulte dans la balance ?
Car l’amour est bien la seule ressource illimitée dont nous disposons. Nos limites, notre temps et notre patience ne sont pas extensibles à l’infini, les “villages” dont nous serions supposées nous entourer pour assurer notre mission n’apparaissent pas comme par magie et les épreuves de la vie ne s’arrêtent pas à la porte de notre parentalité toute neuve.
Souvent, elles n’ont pas même la décence de respecter le mois d’or ! Ces réalités doivent être prises en compte et écoutées.
Changer la manière de transmettre l’information et offrir un accompagnement pour devenir parent
Autre paramètre trop souvent négligé dans la transmission de l’information : prendre soin de notre nouveau-né, bambin ou enfant fait immanquablement surgir en nous la manière dont nous avons été traités dans notre petite enfance. Et si, lorsque notre réservoir affectif est rempli, nous avons la capacité de raisonner et de faire des choix en rupture avec ce qui nous a été transmis, la violence peut facilement surgir lorsque notre réservoir est vide. Vidé (siphonné?), au hasard, par le détachage des couches lavables, le nettoyage de la cuisine après présentation de la patate douce au déjeuner, les 8 tétées nocturnes et les
12 crises émotionnelles quotidiennes accompagnées sans violence. L’écoute des émotions du parent, mais aussi l’écoute de son enfant intérieur, devraient faire systématiquement partie de l’accompagnement offert aux parents tout au long du développement de l’enfant. Nous ne pouvons pas nous contenter de distribuer des dépliants sur les 1 000 premiers jours et de placarder des affiches dénonçant les violences éducatives ordinaires, sans nous intéresser aux mécanismes internes du parent qui lui rendent parfois impossible à mettre en œuvre ce que, consciemment, il voudrait pourtant déployer. Les parents ont besoin d’être accompagnés individuellement dans des prises de conscience qui peuvent être violentes : prendre la mesure des besoins affectifs du bébé et du jeune enfant, c’est prendre conscience d’avoir manqué. Il est si difficile de donner ce que nous n’avons pas reçu! Mettre le bien-être des enfants au centre, c’est aussi accorder de la place aux enfants qu’ont été les parents.
Du respect et un accompagnement personnalisé pour chaque parent
Le respect de la naissance, l’écoute du bébé et de l’enfant, l’accompagnement éducatif sans violence sont des droits fondamentaux, bien plus que des “pratiques”, des “outils” ou des “modes”. Mais la diffusion massive de l’information, notamment sur les réseaux sociaux où le parent est seul quand il les reçoit et les absorbe, peut priver les parents du temps et de l’espace nécessaires au travail de déconstruction de leur propre histoire. Sans ce travail, la non-violence familiale est une injonction impossible à atteindre.
Apprendre aux parents à prendre du recul et se donner du temps
Le temps est également une composante essentielle : il est nécessaire pour prendre du recul, intégrer en profondeur et avec subtilité les apports des neurosciences de manière à s’en approprier le contenu et à ne pas s’enfermer dans une doxa. Sans ce temps et cet espace d’appropriation, le respect de l’enfant peut rapidement être réduit à des pratiques vidées de leur sens profond (combien de fois ai-je lu “la parentalité positive, c’est demander de marcher plutôt que d’interdire de courir” par exemple), dans lesquelles le parent se sent enfermé.
Le temps et l’accompagnement individuel du parent peuvent lui permettre d’accéder à sa propre créativité, à sa manière de faire et d’être. La seule qui sera en cohérence avec son histoire, ses ressources, ses convictions et ses besoins d’une part et les besoins de son enfant d’autre part. La seule qui “marchera”.
Marjorie POTEAUX MARCHAL, Doula à Nancy
www.marjorie-doula.fr
Mots clés : Burn-out parental, Dépression, Épuisement extrême, Perte de soi
Classé dans : Parentalité
Un commentaire
Merci. Merci pour ces mots si justes et actuels, ces mots qui résonnent à l’intérieur.
Merci pour cette considération et merci de nous accompagner à devenir nous-même, au travers de l’aventure exceptionnelle qu’est la maternité/la parentalité.